Souffrance au travail, harcèlement moral au travail : Osons dire stop !

Alors qu’unité et solidarité devraient être les maîtres-mots face aux épreuves que nous impose de force le gouvernement, on constate aujourd’hui dans l’Education Nationale une explosion des troubles psychiques liés aux conditions de travail.

Savez-vous qu’une personne sur trois a pris, prend ou prendra des antidépresseurs dans sa vie de travailleur ? Le nombre de suicides en lien avec le travail est en augmentation constante. Les risques psycho-sociaux se multiplient, et en voici un qui reste encore tabou : le harcèlement moral.

Un grand nombre d’agents de la Fonction Publique sont en effet confrontés à des situations de harcèlement, sans pour autant savoir se défendre. La plupart sont d’ailleurs convaincus qu’ils ne peuvent rien faire. Ils subissent donc, impuissants et honteux. On dit que l’administration a une obligation de protection envers ses agents. Certes. Mais sur le terrain, qu’en est-il ? Nos collègues souffrent. Voilà une urgence sociale (de plus) à traiter !

« Nous avons mal au travail ».

Ne nous y trompons pas : ce n’est ni une question de métier, ni une question de statut : TOUT le monde est concerné. Et ce qui est en cause aujourd’hui, ce n’est pas l’employé : c’est le travail. Avec des conditions d’exercice, de la pression et du management toujours plus écrasants. A force de fabriquer de l’insécurité et de la précarité, ce sont des arrêts maladie que le gouvernement fabrique. Or c’est bel et bien le travail, qu’il faut soigner. Une raison supplémentaire pour s’opposer aux réformes qui démantèlent les garanties collectives, et les statuts, telle la loi sur la transformation de la Fonction Publique qui aura pour conséquence de renforcer le pouvoir hiérarchique par la suppression du paritarisme et des instances telles le CHSCT.

Enseignants oui, mais pas que…

Nous sommes environ 49 350 agents employés par l’Education Nationale dans l’Académie de Toulouse. Parmi nous, un quart n’est pas enseignant !

Nous nous répartissons comme suit :

  • Personnel enseignant : 37 700
  • ATSS (pers. administratif, techniques, sociaux et de santé) : 3423
  • AESH (anciens AVS): 3 441
  • AED (Assistants d’Education = surveillants) : 3049
  • DIEO (pers. de direction, inspection, éducation, orientation) : 1713

Reconnaissons-le : quel que soit notre corps, nous connaissons tous un ou une collègue qui est en souffrance dans son travail. Un enseignant moqué. Une secrétaire mise à l’écart. Un surveillant brimé. Une AVS dénigrée. Pourtant, ils n’en parlent pas. Et ON n’en parle pas. Parce que c’est un sujet délicat. Parce que si le harcèlement est facile à détecter, il reste souvent difficile à prouver.

Qu’est-ce que le harcèlement ?

Tout commence de façon anodine. Des piques, des brimades de temps en temps. On ne se formalise pas, on banalise. Un mouvement d’humeur, ça peut arriver à tout le monde. Là où ça devient inquiétant, c’est quand ça s’installe. Jusqu’à devenir quotidien. Usant. Humiliant. Alors peu à peu, on sombre. On s’isole. On est acculé. Epuisé. Détruit. Ça mine le moral, et la santé avec. On vient travailler la boule au ventre. On ne dort plus. On tient… mais jusqu’à quand ?

Que dit la loi ?

L’article 6 quinquiès – alinéa 1er de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dit que :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Le harcèlement moral est donc établi lorsque des faits, des gestes ou des comportements répétés ont pour but et/ou pour conséquence de nous gâcher la vie.

Concrètement : le harcèlement peut se manifester par des agissements malveillants répétés et durables tels que : incivilités, remarques désobligeantes, intimidations, insultes, menaces, ….

C’est une technique – consciente ou inconsciente – d’exclusion, de nuisance, voire de destruction. Le harceleur est généralement dans une position hiérarchique supérieure à celle de la victime, mais pas toujours.

  • On vous fait des remarques vexantes ? On vous dénigre en public ?
  • On vous isole ? On vous exclut des réunions ?
  • On change vos horaires de travail sans votre accord ?
  • On vous surcharge volontairement de travail ?
  • On donne des objectifs irréalisables ? On vous pousse à la faute ?
  • On confie votre travail à d’autres ? On vous impose du travail inutile ?
  • On vous donne des ordres contradictoires ?
  • On modifie arbitrairement votre fiche de poste ?
  • On vous refuse ce qu’on accorde à vos collègues ?
  • On vous menace de sanctions alors qu’elles sont injustifiées ?

Si vous répondez « oui » à une ou plusieurs des questions ci-dessus, alors vous êtes peut-être harcelé(e).

Ne restez pas seul ! Parlez-en ! Le harcèlement est un délit puni par la loi. Le silence ne profitera qu’à votre harceleur.

N’hésitez pas à aller voir ou appeler le syndicat. Il vous assurera une écoute et collectivement, c’est souvent plus facile de trouver des solutions.

Garder pour soi une situation de souffrance au travail mène au stress, à l’anxiété, à des troubles de la mémoire et de concentration, puis dans les cas extrêmes à l’épuisement professionnel et enfin au burn-out, voire au suicide.

Quelles solutions ?

Que vous soyez fonctionnaire titulaire, contractuel ou stagiaire, et que votre harceleur soit votre supérieur hiérarchique ou pas, si vous êtes victime de harcèlement moral, vous pouvez dénoncer votre harceleur et bénéficier de la protection de la loi.

Notez tous les faits, les dates, les paroles : il vous appartiendra d’apporter des éléments précis et concordants, et ce n’est pas toujours chose facile tant le harcèlement est insidieux. Mais ce sera ensuite à la défense de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement !

Tout fonctionnaire victime de harcèlement de la part de sa hiérarchie peut également présenter une demande de protection fonctionnelle afin que des mesures de protection soient mises en œuvre par l’administration (changement d’affectation de la victime, réorganisation du service, sanctions à l’encontre de la personne coupable, assistance juridique, prise en charge des frais d’avocat).

Pour vous défendre, plusieurs solutions :

  • Saisissez le CHSCT (Comité Hygiène et Sécurité) de votre établissement : le CHSCT dispose d’un droit d’alerte qui lui permet de prévenir l’administration de toute situation de harcèlement moral.
  • Saisissez votre administration pour lui demander d’agir. Si elle ne fait rien, elle pourra ainsi être jugée plus tard pour ne pas vous avoir protégé(e) contre le harcèlement.
  • Saisissez le Tribunal Administratif : si votre administration ne vous a pas répondu dans un délai de 2 mois, vous pouvez saisir le Tribunal Administratif dans un délai de 4 mois après la réception de votre demande par votre administration. L’aide d’un avocat s’avérera précieuse (consultez la CGT). Vous devrez déposer une requête en plein contentieux où vous présenterez des preuves directes ou indirectes du harcèlement : mails, sms, photos, enregistrements audio, témoignages…

Demandez la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur public. Vous pouvez également solliciter l’indemnisation de votre préjudice.

  • Saisissez la justice pénale: si l’administration ne vous a pas répondu dans un délai de 2 mois, vous pouvez poursuivre au pénal l’auteur du harcèlement. Cette plainte peut venir en complément d’une plainte contre votre administration. Par exemple, vous pouvez poursuivre votre administration devant le Tribunal Administratif, et votre chef de service au pénal. Vous disposez d’un délai de 6 ans à partir du fait de harcèlement le plus récent (derniers propos tenus, dernier mail…). La justice prendra en compte tous les faits de harcèlement venant du même auteur. Notez que les juges retiendront surtout : la répétition des actes, et l’altération de la santé de la victime.
  • Saisissez le Défenseur des droits: Si le harcèlement moral vous paraît motivé par une discrimination basée sur un des critères interdits par la loi, comme : la couleur de peau, le sexe, l’âge, l’orientation sexuelle, …vous pouvez aussi saisir le Défenseur des droits : information générale par téléphone au 09 69 39 00 00 (coût d’un appel local) du lundi au vendredi de 8h à 20h.

Quelles sanctions pour le harceleur ?

Sanctions prises par l’administration :

Un agent public coupable de harcèlement risque des sanctions disciplinaires : déplacement d’office, radiation du tableau d’avancement, révocation…

Sanctions prises par la justice :

Il est prévu une peine de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. De plus, l’auteur de harcèlement moral peut être condamné à vous verser des dommages et intérêts (préjudice moral, frais médicaux,…). 

 

Selon l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, le stress serait à l’origine de 50 à 60 % de l’absentéisme au travail.

Si la loi a bien inscrit le harcèlement moral dans la liste des délits, le plus dur pour la victime est d’abord de sortir du silence et d’entamer les démarches salutaires. Trop de collègues sombrent dans l’angoisse et la dépression, et baissent les bras faute d’informations et de soutien.

A lire : « Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien » par Marie-France Hirigoyen, Docteur en médecine et psychiatre.

Editions La Découverte & Syros, 1998.

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