Plus de 80 collègues AESH ont répondu à notre questionnaire.
Nous remercions tou·tes les collègues qui ont répondu à ce questionnaire. Les renseignements donnés, les éléments apportés, les paroles mêmes de nos collègues sont très précieux.
Les collègues qui ont répondu sont à plus de 93% des femmes ; ce n’est pas une surprise. Ils et elles sont pour la moitié mutualisé·es.
La majorité est en école élémentaire et collège.
L’analyse des réponses montre une situation contrastée mais avec des constantes, comme celle d’un sentiment de mise à l’écart. C’est sans surprise car cela montre encore une fois que malgré leur rôle important auprès des élèves en situation de handicap, les AESH ne sont toujours pas reconnu·es par l’éducation nationale, ni intégré·es dans les équipes pédagogiques. Un témoignage parmi bien d’autres : « Les aesh grands oubliés des discours politiques et institutionnels, pas de communication du rectorat, ni du chef d’établissement à l’attention des aesh ».
Pendant le confinement.
Ce qui ressort des réponses sur la période de confinement, c’est que les AESH se sont senti·es complètement oublié·es : les AESH ont été les fantômes du confinement nous dit l’une d’entre elles. Ils et elles le disent avec des mots forts et simples : invisibles, oubliés, se sentir inutile, sentiment de ne servir à rien, de ne pas exister…
Les AESH n’avaient pas de directives, ont fait comme ils et elles pouvaient. Pas d’informations sur ce qu’ils ou elles devaient faire et personne pour leur répondre.
Pendant le confinement, plus de 40% ont effectué du télétravail. Et pour 23,8%, le volontariat n’a pas été respecté.
Pour exercer ce télétravail, près de 40% ont eu des dépenses, pouvant aller jusqu’à 100 euros !
Il va de soi qu’effectuer ce télétravail, c’était encore plus difficile que pour les enseignant·es.
Ainsi les AESH ont cumulé les difficultés : l’absence de connexion, l’absence de communication avec les enseignants, un matériel inadapté, les difficultés techniques, l’absence de formation, les difficultés des élèves
Quelques extraits des témoignages sur les difficultés du télétravail relevées par les AESH qui ont témoigné :
- Manque de matériel (ordinateur, téléphone, siège adapté à l’assise longue durée, table adaptée), usage du matériel personnel sans qu’une compensation soit prévue, absence de participation de l’employeur aux frais permettant le télétravail : loyer, facture d’électricité, facture d’eau, facture d’abonnement, Internet, repas
- Perte de la sphère privée.
- Ce n’est pas grand-chose mais pas banal en même temps. Appeler un élève de chez soi pour le stimuler à faire son travail, le réveiller parfois vers 11h, ce n’est pas ma mission.
- Pas d’équipements professionnels, un ordinateur à la maison qui doit être partagé avec les autres membres de la famille (qui télétravaille pour le conjoint, ou qui ont des devoirs à faire, pour les enfants).
- Une connexion internet faible avec un téléphone
- Pas toujours dans la boucle sur le suivi des élèves donc un gros travail en solo pour l’AESH.
- Ne pas être en lien avec les enseignants. Pendant les deux premières semaines de confinement, personne ne m’a appelé. Sur ma cession de l’ENT je n’avais aucune information sur les cours en video conférence. Il m’a fallu demander à l’élève que je suis qu’il me passe ses identifiants ENT pour que j’ai les informations nécessaires. J‘ai vraiment eu l’impression d’être transparent, invisible.
- Pas de formation au télétravail et au logiciel de l’éducation nationale. Mauvais réseau internet à mon domicile, le logiciel officiel et zoom ne fonctionnent pas dans ma campagne.
- Utilisation de mon propre forfait portable pour joindre les élèves en whatsapp, avec partage de mes coordonnées personnelles….
- Difficultés à faire du télétravail avec mes enfants à surveiller et à occuper à mes côtés (mère célibataire). Autant de travail de préparation et de travail de communication avec l’enseignant ULIS et les autres professeurs, que de travail réel avec les élèves.
Ajoutons que le travail de l’AESH repose sur la relation humaine, l’accompagnement au plus près. « Nous ne sommes pas à côté de l’enfant, c’est très difficile. Le télétravail pour un enfant en situation de handicap n’est pas du tout adapté. L’enfant sectorise la maison et le lieu de l’école, pour le travail. Ecole et maison sont deux endroits distincts. »
Ils et elles sont donc 85% à juger le télétravail difficile voire ingérable.
Cependant quelques collègues ont agi pour pouvoir maintenir le lien avec leurs élèves.
« Dès les premiers jours du confinement j’ai envoyé un mail au proviseur, à la proviseure adjointe et à la DPAE4 les informant que je me tenais disponible pour effectuer des taches pour « aider ». J’ai eu une réponse de la DPAE4 dans l’heure me remerciant et me conseillant d’informer mon chef d’établissement de ma proposition. J’attends toujours leur réponse…. Ma principale difficulté c’est celle là : avoir le sentiment de ne servir à rien. De ne pas exister. »
« La difficulté : Savoir simplement quoi faire, car je n’ai reçu aucune directive concernant ce que je devais faire, si je devais télétravailler ou non… J’ai décidé seule de télétravailler auprès de mon élève autiste pour tenter de garder le lien. »
Depuis le « déconfinement ».
Un certain nombre d’AESH ne sont pas revenus dans leur établissement ou école, car bénéficiant d’une ASA en tant que personne vulnérable ou pour garde d’enfants. Parmi ces personnes 44% effectuent du télétravail, dans les conditions décrites précédemment. Une collègue témoigne: « Après 1 mois de télétravail, je suis épuisée car ma vie personnelle se chevauche avec ma vie professionnelle ».
Beaucoup d’AESH ont le sentiment d’une mise en danger par un retour éventuel en classe, du fait de la difficulté pour les élèves en situation de handicap de respecter les gestes barrière. « Je ne me sens pas sereine pour effectuer ma mission correctement sans prendre de risque pour moi et mon élève ».- Tel autre collègue dit : « Je me sens en danger lorsque j’aide mes élèves puisque je n’ai pas de visière. » D’autres précisent : « avec les maternelles, » et certain·es nuancent le mot danger : « disons une prise de risque inutile. »
La majorité souligne la difficulté de la distanciation sociale pour les élèves porteurs de handicap, et en particulier pour les enfants en bas âge : « Besoin de l’enfant en bas âge, d’être contenu, rassuré, consolé. Besoin pour l’enfant d’accompagnement physique »
Dans certains établissements (notamment dans des lycées), les directions ont d’ailleurs pris l’initiative de ne pas faire revenir les AESH par souci de les préserver, du fait de cette difficulté et de la proximité avec l’élève dans le travail.
Mais au contraire dans d’autres, en particulier en école élémentaire ou collège, les AESH n’ont pas bénéficié de protections particulières, contrairement au protocole national. Des témoignages font même état d’une protection moindre que celle des enseignants ! « Je n’apprécie pas que les enseignants aient à leurs disposition des visières, et ce n’est pas prévu pour les AVS. » Un autre souligne : « L’espace trop petit, pas assez de toilettes, pas de masques pour les AESH »
De façon générale, la majorité des AESH soulignent l’insuffisance des masques et du gel : « des enseignants sont obligés de payer de leur poche du gel désinfectant car il n y en a pas assez, ainsi que les masques (il n y en a pas assez pour les aesh non plus) »
Un AESH commente : « Pour bien reprendre, je pense qu’il faudrait avoir un bon équipement et surtout être reconnue dans notre travail. Car c’est une prise de risques plus élevés qu’un enseignant car nous on est très proche de l’enfant ou on doit le toucher, le regarder de face sinon il ne nous comprend pas »
Organisation et désorganisation des services…jusqu’aux abus !
Plus de 19% des AESH qui ont répondu indiquent qu’elles ont repris en présentiel et en distanciel
1/3 des AESH expliquent qu’ils et elles ont effectué d’autres tâches que de l’accompagnement, majoritairement de la surveillance.
Il y a aussi beaucoup de désorganisation : horaires changés, traitement différent que les enseignants (« visières et nous pas »), certains ont été employés à d’autres tâches : surveillance, accompagnement aux toilettes. Il y a eu souvent des changements d’emplois du temps et parfois au détriment des AESH : « J’ai 2 élèves, l’un l’après-midi et l’autre le matin. L’emploi du temps change toutes les semaines : impossibilité d’organiser ma vie privée : rendez-vous, etc…. Ils ont certes peu de cours, mais je ne peux pas avoir une autre activité professionnelle. Cette situation accentue la précarité de mon statut. »
Très souvent les AESH n’ont pas eu à s’occuper des élèves dont ils ou elles avaient avant la charge. Certain·es auraient préféré continuer à suivre leurs élèves à distance. « Je suis déçue de ne pas pouvoir faire un suivi en distanciel, pour les élèves qui ne sont pas revenus. »
Ce qui revient encore c’est le manque de respect, l’absence d’information et de concertation.
« Nous trouvons déplorable la manière dont sommes traitées, nous n’avons participé à aucune concertation ou réunion dans le cadre de la reprise, par contre nous nous sommes rendues disponibles pour la mise en place des barrières sanitaires : marquage au sol, déplacement de mobilier, positionnement des panneaux de circulation dans l’école, accueil des enfants à la porte d’entrée… il est évident que nous ne nous sentons pas valorisées et même si notre présence est indispensable au bon fonctionnement des classes, cela nous classe en poste de sous-fifres. »
« Je ne comprends que l’on fasse revenir les AESH, sans leur donner de visière, pour s’occuper d’élèves dont ils n ‘ont pas la charge. »
Un témoignage nous apprend que les horaires d’une AESH ont été changés, rendant difficile l’organisation personnelle, avec un alourdissement de la présence.
Cela a été aussi difficile pour leur gestion familiale, « Tenu à l’écart des décisions, des protocoles et toujours averti au dernier moment. Gestion difficile quand on a des enfants et qu’il faut également signifier s’ils reprennent ou non l’école. »
« Informations tardives des équipes enseignantes pour nos propres enfants, organisation de ce fait difficile en l’état. Les enfants des aesh sont considérés comme enfants prioritaires ? Si l’établissement scolaire de notre enfant l’accueille deux jours et ne l’accepte pas sur plus de présence, sommes-nous obligés de le mettre dans une autre école-garderie ? »
On relève un sentiment d’inutilité et d’injustice (obligation de venir tous les jours où l’école était ouverte), souvent pour très peu d’enfants.
« C’est un leurre que de nous dire que nous faisons partie de l’équipe éducative. Nous sommes oubliées. Nous sommes fragilisées non seulement par notre rémunération mais par le manque de considération quant à notre travail, nos compétences et notre propre personne humaine ».
« Les AESH ont globalement été les fantômes du confinement. Avec le déconfinement, on s’est officiellement un peu souvenu d’elles pour boucher les trous. Personnellement, j’ai dépensé une énergie considérable pour obtenir des informations, pour connaître mes droits et faire le nécessaire pour qu’ils soient respectés. Et si aujourd’hui je (télé)travaille, c’est parce que j’ai dû « harceler » la hiérarchie pour en obtenir l’autorisation afin d’aider les élèves notifiés MDPH des établissements au sein desquels j’exerce, élèves qui resteront à la maison probablement jusqu’aux vacances prochaines. »
Beaucoup expriment leur colère sur la couverture médiatique de l’accueil des élèves en situation de handicap considérés comme prioritaires. « C’est une honte nationale, tous les mots du premier ministre ont porté sur la réouverture des classes Ulis et de l’accueil des élèves en situation de handicap et il s’en est félicité. Aucun mot envers les AESH qui sont sur le terrain et qui doivent se mettre en danger pour accompagner leurs élèves. Aucune considération pour notre profession. C’est tout simplement inacceptable. »
Il y a aussi beaucoup d’inquiétudes pour les conséquences de la situation sur les élèves accompagnés. (et les autres) : « le retour en classe est assez anxiogène pour la plupart des enfants (tous) ; ils ont besoin de s’exprimer sur leur vécu (tous); parfois les mots ne sortent pas ; il aurait fallu prévoir des séances d’expression corporelles, des étirements… mais les contraintes sanitaires de reprise ne permettent pas ces aménagements. C’est une reprise difficile pour tous les élèves ; il y aura des lacunes dans les apprentissages mais il y aura aussi des conséquences délétères post « traumatisantes » psychologiques. Tous les acteurs autour de l’école ne peuvent pas le nier, cette période de stress des élèves doit être prise en compte par les adultes (parents, enseignants…). »
Et beaucoup s’inquiètent aussi de la précarité de leur statut : « mes préoccupations concernent plus la suite de mon contrat qui semble assez fragile… »
Les résultats du questionnaire nous confortent dans la nécessité de poursuivre la lutte pour la reconnaissance et la revalorisation des AESH. Cela passe d’abord par une augmentation des salaires immédiate et conséquente, et ensuite par la titularisation des collègues et leur intégration dans la grille B de la Fonction Publique