Monsieur le Préfet, monsieur le DASEN, mesdames et messieurs les membres du Comité Départemental de l’Éducation Nationale,
Premier CDEN consacré à la carte scolaire dans le Lot qui ne s’annonce pas, on le sait , sous les meilleurs auspices.
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La CGT aurait pu axer toute sa déclaration sur les thèmes qu’ elle défend inlassablement dans toutes les instances de la fonction publique où elle est représentée, à savoir son attachement à un service public de qualité dispensé de manière équitable sur tout le territoire et pour tous les citoyens. Bien sûr comme d’ habitude nous aurions pu nous engager directement dans l’éternelle bataille de chiffres sur la base des documents envoyés par l’administration, l’exercice eut été néanmoins quelque peu compliqué dans le cas présent compte tenu de la date tardive à laquelle nous avons reçu ces documents et qui plus est
pendant les vacances scolaires. N’est-ce pas là encore un moyen de mettre à mal ce fameux dialogue social dont tout le monde se gargarise? Mais ne soyons pas mauvaise langue et ne faisons pas de procès d’intention !
Par contre, ne nous avait-on pas également parlé lors du dernier comité de pilotage, de groupe de travail élargi avant l’écriture d’un nouveau protocole ?
Mais, ne soyons pas dupes, de toute façon, tout cela n’est que langue de bois et pirouettes destinées à nous faire avaler la politique ultra libérale qui appelle un maximum d’économies sur les services de l’État.
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Je ne vous parlerai pas non plus en détail de l’opération de démantèlement du service public intitulée action publique 2022 qui est en cours de lancement. «Ce vaste projet met en jeu notre modèle social » selon les termes des conseillers de Matignon. Il vise les 3 FP, les opérateurs publics et les organismes de sécurité sociale. Le budget 2018 a déjà concrétisé la démarche des 120000 suppressions d’emplois programmées (70000 dans la FPT et 50000 dans la FPE). La feuille de route fixée dans sa circulaire du 26 septembre est claire: «accompagner rapidement la baisse des dépenses publiques avec un engagement ferme de réduire de 3 points la part de la dépense publique dans le PIB d’ici 2022». Quelle part de ces restrictions l’éducation nationale devra-t-elle prendre à sa charge ?
50.000 emplois supprimés en 5 ans dans les services de l’État équivalent à 500 millions d’euros de, moins par an de masse salariale. Sur 380 milliards de budget, c’est une goutte d’eau en terme financier. Par contre la goutte d ‘eau coutera très cher aux citoyens en termes d’égalité d’accès et de réponse à leurs besoins de service public. Elle coûtera très cher aussi aux agents en termes de dégradation des conditions de travail et d’impossibilité de remplir de manière satisfaisante leur mission de service public.
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Et c’est enfin de cela dont j’ai choisi de vous parler aujourd’hui, des conditions de travail des agents du service public d’éducation du Lot et de leur souffrance quotidienne dans l’exercice de leurs missions.
Souffrance de ces PE impuissants face à des élèves dont les difficultés comportementales, liées très souvent à de grandes souffrances sociales et familiales, mettent à mal le bon fonctionnement de la classe. Très peu d’aide ou d’écoute pour ces collègues de la part de la hiérarchie qui ne veut surtout pas de vagues.
Souffrance aussi de nos collègues dans les situations conflictuelles avec les familles alors qu’ils essaient juste de faire leur travail le plus consciencieusement possible. Là encore, dans la plupart des cas, aucun soutien de l’administration.
Souffrance encore de ces directrices et directeurs d’écoles qui passent leurs soirées et leurs week-end sur des tâches administratives harassantes et éternellement recommencées. Mais au fait, ne nous avait-on pas promis une simplifications des tâches liées à la direction d’école ?
Souffrance plus particulière des enseignantes aguerries de cette école maternelle de Cahors ciblée dans un quartier priori taire de la politique de la ville, au bord du burn out, à qui l’on a refusé l’an passé l’ouverture d’un quatrième classe malgré des effectifs de 29 à 30 élèves par classe, 23 nationalités, 50 % des élèves ne maîtrisant que peu ou pas du tout le français, plusieurs élèves en situation de handicap. Elles ne seront pas en mesure dans ces conditions de répondre à toutes les demandes de scolarisation pour les TPS . Leur frustration et leur déception sont à la mesure de leur engagement pour leurs élèves, immenses, car elles sont convaincues comme nous tous, que la scolarisation précoce est les seul moyen d’arracher ces enfants à la fatalité d’un décrochage scolaire ultérieur.
Souffrance de ces PE d’une école rurale dont le Conseil d’École a voté à une très grande majorité le retour à la semaine des 4 jours mais dont le maire refuse de faire la demande de dérogation de manière arbitraire et unilatérale mais avec la validation de vos services Monsieur le Directeur académique.
Souffrance plus généralement des enseignant des écoles rurales qui dénoncent partout dans le département l’allégeance de leur hiérarchie aux élus, les mettant ainsi à la merci de décisions qui tiennent plus du politique que d’un souci de bon fonctionnement du service public d’éducation dans un cadre national.
Souffrance de cet enseignant qui a consacré une grande partie de sa vie professionnelle à l’école de son village et qui voit arriver avec la fermeture programmée de l’école par l’administration la possibilité d‘ouverture par la mairie d’une école privée hors contrat dans les locaux de l’école communale.
Souffrance des membres des RASED dont les effectifs n’ont cessé de diminuer alors que les demandes du terrain sont exponentielles, que les centres de soins sont saturés, la médecine scolaire presque inexistante, ils sont également les interlocuteurs privilégiés des enseignants en souffrance démunis devant l’ampleur des difficultés de leurs élèves et de familles. Ajoutés à cela des déplacements toujours plus importants, des conditions matérielles inacceptables dans bon nombre d’écoles où il n’existe pas de locaux adaptés, nous pouvons aujourd’hui voir des enseignants RASED travaillant dans des locaux non chauffés, parfois dans des couloirs, sans mobilier adapté, obligés de transporter des dizaines de kilos de matériels les exposant ainsi à des troubles musculo-squelettiques importants.
Souffrance aussi de ces jeunes enseignants en formation, débordés par le travail en classe et par les exigences de l’institution liées aux demandes parfois contradictoires des formateurs. Beaucoup commencent aujourd’hui dans ce métier en envisageant la possibilité d’une démission.
La liste n’est pas exhaustive et je pourrais continuer longtemps cette énumération qui ne se cantonne pas aux seuls enseignants mais fédère dans la souffrance tous les acteurs des équipes éducatives et pédagogiques, ATSEM, AVS, AESH, animateurs, agents territoriaux … à des degrés divers mais toujours restent en cause le manque de moyens et l’abandon des personnels par les décideurs dans les politiques éducatives.
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Alors Monsieur le Directeur académique, la CGT Educ’action46 vous rappelle votre responsabilité dans la mise en œuvre de conditions de travail correctes pour les agents dont vous avez la charge. La CGT vous demande d’appliquer la transposition de la directive européenne de 1989 dans le code du travail et notamment l’article L421-1 qui stipule que «l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs».
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
On peut donc constater, au regard de la souffrance déclarée des personnels enseignants du premier degré dans le Lot, que l’employeur est loin de respecter les lois européennes sur les conditions de travail. Et l’on peut craindre que les mesures de carte scolaire que nous allons commencer à découvrir aujourd’hui ne fassent pas évoluer la situation dans l’intérêt des travailleurs.
Alors faudra-t-il attendre que comme dans la fonction publique hospitalière, des agents mettent fin à leurs jours sur leur lieu de travail pour qu’enfin la souffrance de nos collègues soit prise en compte et que l’employeur soit contraint de respecter la loi.
Aujourd’hui monsieur le DASEN vous êtes comptable de cette souffrance des agents du service public d’éducation du Lot.
A la CGT nous pensons que souffrir au travail n’est pas une fatalité. Nous revendiquons le bien-être par le travail : que les lieux de travail cessent d’être des lieux d’oppression, de peurs et de souffrances pour devenir des lieux de vie, d’émancipation, de plaisir de se réaliser. Et les écoles sont des lieux de travail qui doivent porter toute cette énergie positive tant pour les salariés que pour les élèves.