Le président de la République a nommé un haut-commissaire aux retraites, M. Delevoye, pour faire passer l’ensemble des régimes de retraite existant sur un système par points (les cotisations achètent des points, les retraites sont calculées avec la valeur de service des points achetés, comme par exemple à l’IRCANTEC ou à l’ARRCO-AGIRC).
LA RÉFORME MACRON DES RETRAITES
Un projet de loi serait présenté en 2019. La même valeur d’achat et de service serait utilisée pour l’ensemble des régimes. Cette harmonisation rendrait inutile de fusionner tous les régimes de retraite en un seul, du moins dans un premier temps.
Tout laisse penser qu’un tel système se traduirait par une baisse de la pension pour la majorité des fonctionnaires, même dans l’hypothèse, non confirmée à ce stade, d’une intégration des primes dans la cotisation.
De façon certaine, ne plus lier la pension de retraite à la grille de carrière des fonctionnaires ferait perdre au statut des fonctionnaires toute sa cohérence.
La volonté politique du gouvernement d’aligner le public sur le privé conduit à une remise en cause générale du service public et de la défense de l’intérêt général.
DES RÉGIMES DIFFÉRENTS ADAPTÉS AUX RÉALITÉS PROFESSIONNELLES
La retraite des fonctionnaires n’a rien d’un privilège, elle est un mécanisme adapté à la situation statutaire et aux carrières des agents publics.
Tout comme le mécanisme du régime général est adapté à la situation contractuelle et conventionnelle des salariés du secteur privé.
Si on appliquait à un salarié du secteur privé les conditions de la fonction publique, plus de la moitié d’entre eux verraient leur pension s’effondrer, avec une durée d’assurance acquise en durée travaillée réelle (au lieu d’avoir un trimestre d’assurance acquis pour chaque tranche de salaire de 150 heures de SMIC), et avec une retraite liquidée sur le dernier salaire travaillé (au lieu d’une moyenne des meilleurs salaires).
De même, si on appliquait aux fonctionnaires les règles du régime général, la moitié des retraités verraient leur pension amputée.
Si les mécanismes sont différents, parce qu’ils correspondent à des déroulements de carrière différents, ils produisent au final, pour une carrière complète publique ou privée, un niveau comparable de pension à niveau de qualification égal.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le passage à une retraite totalement en points produira des dégâts et une baisse des pensions dans les deux cas, privé et public.
DÉFENDRE LA RETRAITE DES FONCTIONNAIRES, C’EST DÉFENDRE LE STATUT DES FONCTIONNAIRES
Le statut général n’est pas une convention collective qui protège le fonctionnaire du licenciement.
Sa première justification est de donner aux citoyens la garantie que la politique décidée par leur vote démocratique sera véritablement mise en œuvre par les fonctionnaires, avec neutralité, impartialité, en toute indépendance partisane et sans corruption.
Le statut général est fondé sur la séparation du grade et de l’emploi. La puissance publique dispose de l’emploi du fonctionnaire et peut le changer d’affectation en fonction des besoins et de l’intérêt général, mais le fonctionnaire conserve sa qualification et sa rémunération (son grade), ce qui le garantit de toute sorte de pression, politique en premier lieu.
A contrario, le nouveau régime indemnitaire (RIFSEEP) privilégie la rémunération «au mérite» au détriment du grade et des missions, constituant en cela une atteinte au principe d’indépendance.
La grille de carrière garantit le maintien de la rémunération en cas de changement d’emploi, la construction de la rémunération est liée à une grille, et non à des choix individuels de la hiérarchie, ouvrant la porte à des pressions contradictoires avec la neutralité.
C’est pourquoi la retraite est calculée par rapport à la grille de carrière, et au dernier échelon du grade (6 derniers mois).
C’est pourquoi le statut exclut tout licenciement sur un emploi permanent : il n’y a pas de causes économiques aux restructurations dans la fonction publique, mais les causes ne peuvent être que politiques et budgétaires. Les seuls motifs possibles de licenciement sont la faute grave, l’insuffisance professionnelle et l’inaptitude.
Il y a une cohérence entre la remise en cause du statut par le gouvernement actuel et l’attaque contre les régimes de retraite des fonctionnaires :
- élargissement des cas de recours aux contractuels,
- « assouplissement » du statut pour aller d’une fonction publique de carrière à une fonction publique d’emploi, où le «métier» de l’agent est strictement lié à son emploi d’affectation, comme pour les contractuels, qui sont licenciables en cas de disparition de leur poste,
- mise en œuvre du licenciement de fonctionnaire pour suppression de poste dans l’hospitalière, jusqu’alors jamais appliqué,
- plans de départ volontaire suite à externalisation ou suppression de missions publiques.
UNE RETRAITE CALCULÉE EN POINTS SERAIT PARFAITE POUR UNE FONCTION PUBLIQUE D’EMPLOI
Alors qu’aujourd’hui la retraite est calculée à partir du même montant pour tous les agent.e.s ayant le même grade et le même échelon, demain ce serait le salaire moyen de l’ensemble de la carrière qui serait pris en compte, avec une éventuelle intégration des primes (à quel niveau?). La rémunération de chaque année permettrait d’acheter plus ou moins de points.
Dans le système où le niveau de retraite dépend de l’acquisition de points, les agents ayant eu des promotions plutôt sur les dernières années d’activité auraient une retraite plus faible par rapport au système actuel puisqu’ils auront eu un début de carrière avec de plus faibles rémunérations. Il s’agit donc bien là d’une remise en cause de la Fonction publique de carrière.
Les agents ayant le niveau de primes le moins élevé auraient une retraite plus faible, alors que de façon générale le niveau de primes est plus lié à l’identité de l’employeur public qu’à l’intensité de la sujétion.
La grille indiciaire, qui rémunère la qualification mise en œuvre par le fonctionnaire, ne deviendrait plus qu’un des éléments de la rémunération, donc de la retraite.
Quel besoin dans ce cas d’un statut unifié en trois versants ? D’ailleurs, Macron propose de différencier la valeur du point d’indice suivant les versants (État, territorial ou hospitalier), divisant la Fonction publique en trois statuts pour mieux les attaquer séparément.
Quel besoin dans ce cas de régimes particuliers de retraite pour les fonctionnaires (Etat et CNRACL), fondés sur le code des pensions civiles et militaires ? Un compte individuel de retraite par points facilitant le passage sans différences du public au privé conviendrait pour une fonction publique d’emploi, où le fonctionnaire est lié à son poste d’affectation et peut être licencié, où ce n’est plus la qualification mais « l’employabilité » qui serait rémunérée. La CGT s’y oppose fermement.
La CGT refuse la généralisation de la retraite par points.
La CGT veut le maintien du calcul de la retraite sur l’indice de l’échelon détenu les 6 derniers mois de la carrière, avec un taux de 75 % pour une carrière complète.
L’objectif de la CGT est le maintien du niveau de vie entre l’activité et la retraite, et le maintien du pouvoir d’achat des pensions. La CGT refuse la capitalisation qui est plus présente dans le public que dans le privé (retraite additionnelle) et considère qu’un système de retraite doit garantir un niveau de pension au moment du départ en retraite, et pas un niveau de cotisation pour les employeurs.
La CGT veut que le code des pensions civiles et militaires, qui s’applique directement aux fonctionnaires d’Etat, soit aussi directement applicable aux fonctionnaires de la territoriale et de l’hospitalière. Aujourd’hui, des décrets transcrivent les textes de loi modifiant le code des pensions, et ne le font pas toujours totalement, comme dans le cas du service actif pour l’hospitalière, au prix de perte de droits pour les agents.
La CGT défend la CNRACL, dont la pérennité doit être garantie pour les territoriaux et les hospitaliers.
La CGT veut l’intégration des primes ayant valeur de complément de traitement dans la grille indiciaire. En moyenne, les fonctionnaires ont entre 20 % et 30 % de leur rémunération versés en primes. Les agents les plus mal dotés sont les enseignants (10 %) et les agents de nombreuses collectivités territoriales.
La CGT veut défendre et renforcer la fonction publique de carrière, le code des pensions étant un élément du statut général des fonctionnaires.