De nombreuses et nombreux collègues sont consternés par la tournure que prend la réouverture des établissements scolaires et des écoles. Il est clair qu’on ne peut pas reprendre en présentiel pour tous les élèves car les conditions sanitaires ne seront pas garanties.
Si l’ouverture est maintenue quelles exigences ? quels outils ?
Le plus simple serait de ne pas ouvrir les écoles, des collèges et des lycées tant que l’épidémie est présente.
Le groupe de travail « enseignement scolaire » du Sénat a annoncé dans son rapport du 23 avril 2020 que « la décision de rouvrir les établissements scolaires et les écoles à partir du 11 mai » donne « une impression d’impréparation et d’improvisation plus de 10 jours après l’annonce de cette réouverture » et qu’elle propose « des scenarii de travail ne reposant pas sur un avis scientifique ». Le conseil scientifique dans son rapport du 20 avril propose « de maintenir les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu’au mois de septembre » mais il « prend acte de la décision politique prenant en compte les enjeux sanitaires mais aussi sociétaux et économiques, de réouverture progressive et prudente des crèches, écoles, collèges et lycées. »
Bref, le gouvernement rouvre les écoles malgré les préconisations médicales et les avis de la commission du Sénat. Il habille sa décision d’une série de préconisations pour limiter les contaminations et il laisse la responsabilité de la mise en œuvre aux collectivités territoriales et aux services déconcentrés du ministère.
La CGT condamne cette façon d’agir et cette reprise en présentiel prématurée. Elle rappelle aux élus des collectivités territoriales et aux chefs de services de l’Éducation nationale qu’ils engagent leur responsabilité en appliquant la décision du gouvernement. Le ministre a déjà été interpellé plusieurs fois sur la question mais, comme à son habitude, il ne se remet jamais en question. Il faut donc se préparer à imposer les conditions sanitaires optimales à la reprise en présentiel et à agir avant le 11 et le 18 mai.
Nous allons recevoir (si ce n’est déjà fait) des protocoles à mettre en place pour les réouvertures. Il faut exiger que :
- les personnels et les usagers aient accès à des masques FFP2 en quantité suffisante chaque jour, à du gel hydro alcoolique et à du savon en quantité suffisante chaque jour,
- il y ait des tests sérologiques et PCR quotidiens des personnels et usagers pour pouvoir isoler ceux et celles qui tomberaient malades,
- les locaux et le matériel soient nettoyés à chaque changement de groupe,
- la configuration des locaux permettent le respect des distances interindividuelles dans les périodes statiques mais aussi dans les périodes de mouvement,
- le nombre d’élèves soient inférieur à 15 par groupe (très peu de classes permettent d’espacer suffisamment 15 élèves),
- les toilettes soient en nombre suffisant, pour les personnels et pour les élèves, et régulièrement nettoyés,
- les collègues présentant un risque aggravé soient laissés en télétravail, même pour les réunions.
Droit d’alerte, droit de retrait… quels outils, avec quelles procédures ?
Si les conditions minimum ci-dessus ne sont pas prévues dans les protocoles de réouverture, nous pouvons adresser collectivement ou individuellement ce courrier au chef de service (IEN, chef d’établissement) avec copie au syndicat CGT du département.
En même temps, il faut renseigner le Registre santé sécurité au travail puis, si les faits persistent à quelques jours de la reprise, remplissez le registre « Danger grave et imminent », en détaillant au maximum les éléments concrets d’organisation du travail qui vous exposent à la contamination. Vous pouvez à nouveau vous aider du courrier type.
En l’absence de garanties suffisantes (ou de réponse), Il faut alerter par courrier adressé au chef de service, avec copie au CHSCT. Il est souhaitable également, en parallèle à la démarche de l’agent, que les sections syndicales et élus du personnel saisissent les CHSCT afin que celui-ci mène systématiquement l’enquête et exerce son droit d’alerte pour danger grave et imminent. Les élus CHSCT doivent ainsi interpeller la DIRRECTE en cas de désaccord sérieux.
Il faut penser à remonter de manière systématique ces informations au syndicat CGT afin que nous puissions les centraliser.
Si la situation de danger persiste le jour de la reprise, vous êtes fondé à exercer votre droit de retrait. Pour cela il faut informer l’employeur par courrier contre signature, ou mail LRAR en reprenant les éléments d’organisation du travail qui caractérisent l’imminence et la gravité -risque d’exposition à un danger mortel ou gravement incapacitant (c’est la raison pour laquelle il faut que l’information soit concomitante avec l’exercice du droit de retrait).
Attention ce droit de retrait ne peut avoir pour effet de mettre en danger des usagers ou d’autres personnels. Dans le premier degré il est donc impératif de l’exercer avant l’accueil des enfants et d’informer les parents afin que les enfants restent sous la responsabilité légale de leurs parents.
Le chef de service peut vous enjoindre à reprendre le travail, considérant que le danger est écarté. En le faisant, il engage sa responsabilité juridique et il ne faut pas hésiter à le lui rappeler. Si le danger est persistant du fait d’un défaut de protection alors qu’il demande de reprendre, il commet alors une faute de service. Le litige sera ensuite tranché par le juge administratif, et le cas échéant, le juge judiciaire concernant la dimension pénale.
La CGT Éduc’action, afin de permettre aux personnels confrontés à de telles pressions visant à faire reprendre le travail sans protection adéquate d’y résister, dépose un préavis de grève pour la période du 11 mai au 31 mai 2020. Cela laisse la possibilité pour les personnels de se déclarer grévistes, mais au prix d’1/30ème de retrait par jour non travaillé. La santé des personnels, des enfants et de leurs familles est cependant prioritaire.
Que dit la loi en matière de sécurité au travail et de droit de retrait ?
L’employeur a une obligation de résultat en matière de santé sécurité au travail pour les personnels comme pour les élèves. Le chef de service (chef d’établissement, IEN, chef de service déconcentré) engage donc sa responsabilité juridique en cas de manquement à son devoir de protection et il faut donc le lui rappeler afin qu’il prenne les mesures nécessaires.
Article 2-1 du Décret 82-453 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique
« Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité.»
Pour la responsabilité en cas de dommages envers les élèves : article L911-4 du code de l’éducation.
L’article 5-6 du Décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique dispose que :
I. L’agent alerte immédiatement l’autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
II. L’autorité administrative ne peut demander à l’agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.
III. Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un agent ou d’un groupe d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux.
IV. La faculté ouverte au présent article doit s’exercer de telle manière qu’elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.
Quelles pathologies sont considérées à risques actuellement ?
Pour l’instant, on reste sur les personnels qui entrent dans les recommandations du Haut Conseil de Santé Publique :
- les personnes âgées de 70 ans et plus ;
- les patients aux antécédents cardiovasculaires: hypertension artérielle compliquée, accident vasculaire cérébral ou coronaropathie, chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
- les diabétiques insulinodépendants non équilibrés ou présentant des complications secondaires à leur pathologie ;
- les personnes présentant une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale ;
- les patients présentant une insuffisance rénale chronique dialysée et les malades atteints de cancer sous traitement.
Certains collègues n’entrent pas dans ces catégories mais ont des pathologies qui les fragilisent. Il faut qu’ils et elles demandent des certificats médicaux à leur médecin traitant pour rester en télétravail ou se mettent en arrêt.