Nous, les enseignants et enseignantes, avons souvent été de bons et bonnes élèves et sommes de bons et bonnes fonctionnaires. Nous cherchons toujours à appliquer le mieux possible ce qui nous est demandé. Cela pourrait être une grande qualité si les ordres allaient tout le temps dans le sens de l’intérêt général. Mais la gestion de l’épidémie de covid 19 montre que ce n’est pas toujours le cas.
Ce virus est mortel pour un nombre non négligeable de personnes. La seule solution que nous avons actuellement pour les protéger est de limiter la contagion entre nous. Il faut donc accepter de limiter nos mouvements et nos actions, même si le confinement est difficile à vivre. Mais il faut aussi que nos employeurs les limitent.
Or le gouvernement a décidé que les écoles ouvriraient le 11 mai, créant de facto un risque de contagion pour les personnels de l’éducation nationale, pour les élèves et pour les familles, alors que l’usage généralisé du télétravail avait permis de limiter l’ampleur de la crise sanitaire. Les autres pays européens qui ont dépassé les 20 000 décès ne rouvrent pas les écoles avant les grandes vacances.
Certes rien ne remplace la classe mais, actuellement, les conditions ne permettront pas de faire classe. Là où il fallait assurer un accueil le plus sécurisé possible pour les enfants de soignants, un suivi à distance d’un maximum d’élèves, sachant que depuis les vacances, enseignants et élèves arrivaient à mieux gérer les outils en distanciel, le ministre, pour une question d’honneur et surtout pour répondre aux exigences économiques, bouleverse ce nouvel environnement de travail en ouvrant les écoles.
On nous laisse entendre qu’il faut faire un essai pour préparer septembre. Mais, les essais cliniques sur les êtres humains se font normalement quand le risque est très réduit ou alors sur de vrais volontaires. De plus, Le test du présentiel a déjà été fait par l’accueil des enfants de soignants. Pourquoi n’en tire-t-on pas les bilans pour répondre à une organisation différente de l’enseignement en temps de crise sanitaire ?
Là, nous avions la possibilité de réfléchir à un accueil physique des élèves le plus sécurisé possible. Le gouvernement avait quatre mois pour trouver les moyens matériels et le personnel qui fait défaut pour assurer une reprise dans des conditions sanitaires les plus optimales possibles. A moins que le gouvernement ne veuille pas de cette réflexion et de la mise en place des moyens qu’elle induit, car on ne pourra pas enseigner à des classes de 24 ou 30 élèves avec les règles sanitaires que nous impose le covid 19, qu’il faudra des infirmières, des AED, des CPE, des Rased… en plus.
Au nom du bien-être des enfants, on les plonge dans des situations anxiogènes, peu propices aux apprentissages.
On cherche à nous faire culpabiliser.
Nous avons eu droit à un discours guerrier digne de la première guerre mondiale. Les hussards de la République auraient dû se souvenir. Ce genre de discours a permis d’envoyer au front presque 8 millions de soldats dont au moins 1.4 millions ne sont pas revenus, rien que pour la France.
On nous dit qu’il faut être solidaires des soignants et soignantes, des caissiers et caissières et autres travailleurs et travailleuses obligés d’aller travailler malgré le covid 19. Mais en quoi la réouverture des écoles va limiter le danger pour eux et elles ? Bien au contraire, Encore plus de travailleurs et travailleuses seront obligés d’aller travailler à partir du 2 juin car ils et elles ne bénéficieront plus du chômage partiel puisque les écoles assureront la garde de leurs enfants. Les soignants et soignantes risquent de devoir affronter un nouveau pic à cause du déconfinement des enfants. D’ailleurs, si nous étions solidaires de la fonction publique hospitalière, nous ferions grève pour réclamer des masques FFP2 et autres protections pour tous les services publics et une augmentation du point d’indice, qu’ils soient aussi payés à leur juste valeur !
On nous avance les problèmes de garde des enfants pour les personnes qui doivent travailler ou le décrochage de certains élèves. Pourquoi la question de la garde des enfants ne les dérange que maintenant ? Combien d’infirmières ou d’aides-soignantes ont dû se débrouiller seules pour leurs enfants auparavant ? Combien de nos élèves étaient déjà décrocheurs avant la crise ? Et quelles réponses apportait l’institution ? Un collègue bombardé référent décrochage scolaire, des réformes qui réduisent le nombre d’heures en classe parce que c’était trop lourd…
En fait, ce ne sont pas les problèmes de l’institution scolaire. Le virus éloigné, ce gouvernement, ou un autre tout aussi libéral, continuera la destruction des services publics. Nous pleurerons nos morts et continuerons à trimer pour le bénéfice d’une minorité. Il est grand temps de dire stop, pour nous, pour nos élèves, pour l’ensemble de la population.
A partir de lundi, on discute par tous les moyens qui s’offrent à nous et on s’organise.