Les attaques contre la voie pro : une volonté de déqualification.

La voie professionnelle subit de nombreuses attaques mais elles vont souvent dans le même sens : déqualifier les diplômes et remettre la formation professionnelle sous le contrôle de certaines organisations patronales.

Que ce soit la réforme du bac pro en trois ans, la volonté de mixer les parcours et de proposer une formation par l’apprentissage, la mise en place des compétences, la création des lycées des métiers, toutes les réformes ont des conséquences néfastes sur le niveau de qualification des élèves.

Si l’idée d’élever le niveau d’étude est bonne sur le principe, sa mise en œuvre actuelle questionne car il s’agit en partie d’un transfert des savoirs et savoir-faire acquis avant en bac pro vers les BTS. Ces savoirs et savoir-faire seraient trop compliqués à aborder en bac pro… Pourtant certains étaient enseignés en BEP ou CAP, il y a 15 ou 20 ans… Pourquoi les élèves actuels ne parviennent-ils plus à maîtriser des connaissances et des techniques que les générations précédentes maîtrisaient ?

On nous dit que les métiers ont évolué mais les métiers évoluent toujours et jusqu’à présent, nous avions toujours intégré ces évolutions sans abaisser les niveaux de qualification. La majorité des élèves sortaient de leur BEP ou de leur CAP en maîtrisant l’ensemble des processus liés à leurs métiers.

Par contre, des logiques de déqualification ont déjà été en œuvre dans l’histoire. Par exemple avec le taylorisme et le travail à la chaîne. En plus de l’augmentation des cadences, l’enjeu était aussi de casser les savoirs acquis par des ouvriers qualifiés, dans le but de ne plus avoir à rémunérer ces savoirs.

Il semblerait que nous ayons une nouvelle attaque de ce type sur les qualifications. Le patronat n’a jamais vraiment accepté les diplômes professionnels et surtout la formation professionnelle qui fait  que ces qualifications lui échappent. Il faut rappeler que le CAP en 1911 est une victoire syndicale et que la formation professionnelle dépend de l’État et non du privé, même si celui-ci peut participer à cette formation, depuis la victoire de 1945.

Compétences versus qualifications : un changement de finalité pour la formation… et pour la société.

Le problème pour le Medef, entre autres,  est surtout d’avoir à rémunérer la qualification. Ainsi, il y a une attaque idéologique depuis une vingtaine d’années avec la notion de compétences, prise aux  pédagogies nouvelles mais détournées à des fins d’atomisation des savoirs et savoir-faire. L’idée d’un bac qui serait une compilation de compétences a été poussée très loin dans le bac pro gestion administration. Mais elle existe aussi dans les diplômes universitaires avec la notion de crédits et apparaît dans les projets de « formation tout au long de la vie » où on pourrait acquérir une partie des compétences en initial, puis d’autres dans le cadre de stage ou dans le cadre de l’apprentissage, voire dans le cadre de VAE lors des différents emplois ou les différentes périodes de chômage. Nous défendons le droit à la formation tout au long de la vie mais nous voulons une formation qualifiante car seule une formation qualifiante oblige l’employeur à reconnaître le droit à un salaire plus élevé.

L’UIMM, le syndicat patronal de la métallurgie nous le démontre à nouveau : il dénonce la  convention collective de la métallurgie en refusant de reconnaître les diplômes de l’éducation nationale lors des embauches et en voulant lier le salaire au poste et non plus au niveau de qualification, ce qui lui permet d’individualiser encore plus les carrières.

Les attaques concernent aussi le contenu des enseignements du côté des disciplines professionnelles avec notamment l’enseignement du « goût pour l’entrepreneuriat», comme le dit Blanquer dans une entrevue au Café pédagogique, mais aussi dans les disciplines d’enseignement généralles entreprises pourraient désormais proposer des choix programmatiques. L’enjeu de ces choix programmatiques scolaires est d’améliorer « l’employabilité et la compétitivité », probablement pour que nos élèves soient du côté « de ceux qui réussissent » et non « de ceux qui ne sont rien ». Cette logique de la « compétitivité est à l’œuvre depuis au moins trois décennies et on voit à quelle déliquescence sociale elle mène.

Voir aussi : La Lubie idéologique du tout apprentissage

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